La surdité rythmique

Quelle est votre réaction lorsque vous entendez une chanson entraînante que vous aimez ? Certains tapent du pied, d’autres frappent dans leurs mains, d’autres encore se mettent à bouger au rythme de la musique.

cadence Saviez-vous que ces trois actions sont difficiles, voire pratiquement impossibles, pour certaines personnes ? En effet, des scientifiques ont découvert, il y a quelques années, une condition appelée beat deafness, ou surdité rythmique.

La personne atteinte de ce trouble ne parvient pas à distinguer le rythme dans une pièce de musique ni à bouger en suivant la cadence. En général, l’acuité auditive n’est pas touchée, c’est-à-dire que la personne réussit à entendre des sons très faibles de façon normale et à bien comprendre la parole. Le problème se situe plutôt au niveau du cerveau, dans la partie qui traite le rythme. Il demeure toutefois difficile d’identifier la cause exacte de cette condition.

Le traitement du son par le cerveau

Lorsqu’un son atteint l’oreille externe (le pavillon), il est dirigé vers le conduit auditif, fait vibrer le tympan et les osselets de l’oreille moyenne, pour ensuite atteindre l’oreille interne. Le son capté par les cellules ciliées de l’oreille interne est reconduit vers le nerf auditif et commence son chemin vers le cerveau, où l’information auditive est traitée. L’hémisphère droit du cerveau, plus précisément le cortex auditif droit, nous permettrait de distinguer les différentes notes d’une mélodie, alors que le cortex auditif de l’hémisphère gauche analyserait le rythme. C’est donc dans cette dernière partie que les personnes atteintes de surdité rythmique montreraient une anomalie.

Des cas variés

De 3 à 4 % de la population serait née avec une surdité rythmique. L’un des premiers cas étudiés a d’ailleurs effectué des tests à Montréal. Le sujet était en mesure de maintenir un tempo en frappant dans ses mains lorsqu’il n’y avait pas de source sonore. Le problème apparaissait seulement quand on lui demandait de faire la même chose, mais en suivant le rythme d’une musique. Les changements de vitesse dans une chanson étaient plus difficiles à détecter pour lui, et il mettait beaucoup plus de temps à s’y adapter. La difficulté résiderait donc dans l’analyse de la musique et la reproduction de ce qui est entendu en gestes. Il existe autant de démonstrations de la surdité rythmique que de personnes qui en sont atteintes.

La condition peut se manifester à différents niveaux. Par exemple, une participante à la recherche sur la surdité rythmique était parfaitement capable de suivre la musique en frappant dans ses mains. Par contre, si on mettait en marche un métronome en même temps que la musique, la participante n’était pas en mesure de déterminer si les deux étaient synchronisés. Par ailleurs, quelqu’un vivant avec la maladie de Parkinson ou autre lésion cérébrale qui toucherait au cortex auditif gauche pourrait présenter des symptômes de surdité rythmique, même si généralement, il s’agit d’une condition présente dès la naissance.

L’examen passé pour déterminer si une personne est atteinte de surdité rythmique se nomme Battery for the Assessment of Auditory Sensorimotor and Timing Abilities (BAASTA). Cet examen est toutefois effectué uniquement dans les programmes de recherche en neuroscience des universités. Il n’est donc pas facilement accessible. La surdité rythmique est un sujet qui continue de faire l’objet de recherches.

- BÉGEL, V. et al. “Lost in time” but still moving to the beat. 2017. En ligne. www.mcgill.ca/spl/files/spl/begel2016.pdf. Consulté le 22 novembre 2019.
- DALLA BELLA, S. et SOWINSKI, J. Uncovering Beat Deafness : Detecting Rhythm Disorders with Synchronized Finger Tapping and Perceptual Timing Tasks. 2015. En ligne. www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4401352/. Consulté le 22 novembre 2019.
- MATHIAS, B. et al. Electrical Brain Responses to Beat Irregularities in Two Cases of Beat Deafness. 2016. En ligne. www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2016.00040/full. Consulté le 22 novembre 2019.