Une rencontre déterminante

Qui dit rentrée scolaire dit aussi rentrée parlementaire! Il y a peu de temps, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Mme Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants.

MJT-blais

Mme Blais a toujours été très impliquée auprès des personnes sourdes ou malentendantes, et j’ai eu l’occasion de la côtoyer à diverses occasions. Elle a même connu mon père, qui était réalisateur à la télévision. À l’époque, Mme Blais dansait la claquette sur des émissions que mon père réalisait. Elle a aussi dansé la claquette à l’émission RSVP avec René. Bref, ma relation d’amitié avec Marguerite Blais ne date pas d’hier, et c’était un plaisir de la retrouver pour parler de santé auditive et de la condition des aînés.

Après des études postdoctorales en communication, Marguerite Blais devient animatrice à la télévision et à la radio, avant d’entreprendre une carrière politique en 2007. Elle prend ensuite une pause de la politique pour agir en tant que proche aidante auprès de son mari. C’est en donnant des conférences sur la réalité des proches aidants qu’elle constate à quel point les besoins sont criants. À son retour en politique en 2018, elle se dirige tout naturellement vers la défense des intérêts des aînés et des proches aidants. «Si on veut faire avancer les choses, dit-elle, on doit passer par la politique. C’est la raison pour laquelle je suis revenue. Je visite plusieurs CHSLD et quand j’en sors, j’ai les émotions à fleur de peau. On ne s’est pas vraiment occupés de nos personnes âgées depuis plusieurs années. Je ne blâme personne, mais notre société ne veut pas voir le vieillissement. Il nous met face à notre propre fin de vie et à celle de nos parents qui vieillissent.»

Prendre soin de nos aînés

Le ministère de Mme Blais travaille à mettre en place des maisons des aînés, où tout ce qui peut s’apparenter à un hôpital sera camouflé. On ne parlera plus de milieux de fin de vie, mais plutôt de milieux de vie. De petits appartements seront aménagés pour les proches aidants, qui pourront les réserver quelques jours pour venir visiter leurs proches. «On a tellement besoin de rénover nos CHSLD, comme on a besoin de rénover nos écoles et nos routes. Et si c’est bon pour les personnes âgées, c’est aussi bon pour les employés. Si tu offres un environnement de travail agréable, peut-être que tu vas avoir plus de personnel.» Et du personnel, il va en falloir, car nous sommes l’une des sociétés les plus vieillissantes.

Quand je lui demande ce qu’elle souhaite pour les aînés du Québec, elle me répond, avec toute la passion et l’empathie qu’on lui connaît, qu’elle veut qu’on les respecte davantage, qu’on les visite plus souvent et qu’ensemble, on combatte l’âgisme. Elle souhaite également briser l’isolement social. «Dans tout le Canada, c’est au Québec que le taux de solitude est le plus élevé. L’être humain n’est pas fait pour vivre seul.» Cette pensée lui rappelle d’ailleurs un souvenir de son père, qui recevait la visite d’une dame pour faire son ménage à la maison. «Chaque fois que j’allais chez lui, je voyais des toiles d’araignée. Je lui disais de se plaindre, que sa femme de ménage n’était pas très bonne. Il me répondait : “Marguerite, je ne veux pas qu’elle fasse le ménage. Je veux qu’elle prenne un café et qu’elle parle avec moi.” Et ce n’est pas juste mon père qui est comme ça, c’est tout plein d’autres personnes aînées.» Elle me raconte aussi que son père préférait aller au comptoir de la caisse pour retirer de l’argent, même si ça lui coûtait plus cher, pour être en contact avec une personne plutôt qu’avec une machine. L’isolement social des aînés est un réel enjeu dont on doit se préoccuper. Nous pouvons déjà faire une différence en leur rendant visite, en les écoutant et en les incluant dans nos vies.

S’attarder à la perte auditive

Une autre façon de briser l’isolement des aînés est de les sensibiliser à prendre soin de leur santé auditive. En effet, une perte auditive non diagnostiquée ou traitée peut amener une personne à s’isoler, puisqu’elle a de la difficulté à prendre part aux conversations. Mme Blais est bien consciente de ce phénomène. «On ne s’occupe pas de la surdité de nos personnes âgées, et ça entraîne énormément de solitude. Il faut prendre en considération que des personnes malentendantes vivent dans les résidences et les CHSLD. Il doit y avoir des voyants lumineux, des technologies pour que tout le monde s’entende. Si on commence à sensibiliser le personnel à la surdité, on va pouvoir offrir à ces gens une meilleure qualité de vie.» Certaines résidences le font déjà, comme une résidence que j’ai visitée récemment et qui a offert des cours de langue des signes à ses résidents, pour qu’ils puissent communiquer plus aisément avec d’autres résidents sourds ou malentendants, ayant une surdité sévère à profonde. Mais il y a encore beaucoup de travail à faire pour rendre les résidences et les CHSLD adaptés aux besoins des malentendants.

Marguerite Blais est sensible à la cause des personnes malentendantes ou sourdes depuis longtemps. En 1994, l’Institut Raymond-Dewar lui demande de devenir sa porte-parole, après l’avoir vue accompagnée d’un interprète à la télévision. Elle refuse d’abord, puisqu’aucune personne sourde ne fait partie de son entourage. L’Institut insiste tout de même. Elle suit donc des cours de langue des signes, prenant conscience par le fait même qu’elle a travaillé en communication pendant de nombreuses années en restant ignorante de cette réalité, qui est pourtant directement reliée à son domaine d’expertise. Elle se rend alors au centre de documentation pour emprunter deux livres sur la surdité qui ont changé sa vie : The Mask of Benevolence de Harlan Lane et Des yeux pour entendre d’Oliver Sacks. Peu de temps après, elle décide de retourner à l’université pour étudier la culture sourde. «C’est un sujet qui m’intéressait et me fascinait. J’ai fait une maîtrise sur l’histoire et la culture sourde, et un doctorat sur les jeunes sourds fortement scolarisés. C’était un monde fascinant à découvrir.»

Au fil de ma rencontre avec Mme Blais, je me rends compte que même si elle n’a pas côtoyé la surdité au quotidien, elle maîtrise très bien le sujet et est bien au courant des enjeux qui s’y rattachent. Elle s’inquiète des jeunes adultes qui développent des pertes auditives de plus en plus tôt, en raison de leur exposition aux sons forts, et des aînés qui refusent de porter des appareils auditifs. «Ça ne leur dérange pas de porter des lunettes, mais les appareils auditifs, c’est autre chose.» Consciente qu’il y a encore beaucoup de travail de sensibilisation à faire de ce côté, Marguerite Blais compte bien accorder une importance grandissante à la santé auditive des aînés au cours des prochains mois.

En terminant, j’aimerais remercier personnellement Mme Blais pour son implication auprès de la communauté sourde. Chaque année depuis onze ans, elle remet une bourse de 1 000$ à un enfant sourd ou malentendant pour lui permettre de poursuivre ses études universitaires. Il y a quelques années, ma fille Rosalie a pu bénéficier de cette bourse, qui lui a permis d’acheter un ordinateur adapté à ses besoins.

Merci pour cette belle rencontre et pour votre sensibilité, Mme Blais. C’était un plaisir de discuter avec vous, comme toujours!