
Renée Martel: le feu sacré
Renée Martel a marqué l’histoire de la musique québécoise. Son père, le chanteur Marcel Martel, lui a transmis sa passion pour la scène et la télévision dès son plus jeune âge.
Sa carrière a véritablement pris son envol en 1968, avec le succès retentissant des chansons Liverpool, Je vais à Londres et Johnny Angel. La chanteuse au parcours exceptionnel a eu la gentillesse de nous accorder une entrevue.
Vous avez enregistré votre premier album toute petite. De quoi vous souvenez-vous de cet album?
Je me souviens que c’était un album de Noël sur lequel je chantais avec mes parents. J’étais debout sur une chaise pendant l’enregistrement. À l’époque, tu chantais, c’était enregistré et c’était tout. Si tu te trompais, tant pis! Ils enregistraient le disque au fur et à mesure que tu chantais. Mon père me donnait des coups de coude quand c’était à mon tour de chanter. J’avais six ans et demi environ.
Quand vous entrez sur scène, ressentez-vous encore un petit stress après toutes ces années?
Oui, tout le temps! C’est positif le trac, ça montre que tu es conscient de ce que tu t’apprêtes à faire sur scène. Tu t’en vas montrer au monde ce dont tu es capable et qui tu es.
Qu’est-ce qui vous inspire dans le chant?
Ça fait tellement d’années que je fais ça, c’est mon quotidien depuis toujours. Ce n’est plus une question d’inspiration, c’est une question de besoin. Quand j’avais cinq ans, le chant est entré dans ma vie. Je ne me suis jamais posé de questions. Si on me disait aujourd’hui que c’est fini, que je dois rester assise chez moi, je ne saurais pas quoi faire d’autre.
Est-ce que ça vous touche quand vous voyez des jeunes assister à vos prestations?
Il y a à peu près trois ans, une petite fille de onze ans est venue voir mon show. Je m’en souviendrai toujours. On s’est rencontrées, elle tremblait quand je lui ai serré la main. Elle m’a dit: «Vous êtes mon idole!». Elle a onze ans et j’en ai 70, comment ça se fait? Ensuite, elle m’a dit, l’air triste, que je n’avais pas chanté sa chanson préférée. «Ah non, c’est quoi ta chanson préférée?», et elle m’a répondu Donne-moi un jour, une chanson que j’ai écrite avec le père de mon fils il y a plusieurs années. J’ai failli tomber par terre! Elle a onze ans, elle connaît Donne-moi un jour et en plus, c’est sa chanson préférée! Je n’en revenais pas.
J’ai des spectateurs de tous les âges depuis une dizaine d’années. Des fois ce sont des enfants, des fois des ados, des fois des gens dans la vingtaine. Ceux dans la trentaine, ce sont surtout leurs parents qui leur ont fait connaître mes chansons. J’aime ça, parce que je réalise que ma musique reste plusieurs années.
Où allez-vous pour vous ressourcer quand vous écrivez des chansons?
À la maison. Quand je crée, c’est toujours chez moi. Chaque année, je prends deux mois de vacances, loin de la maison. Je pars au Mexique, tout le temps dans le même condo, toujours à la même place. Je m’en vais jaser avec les iguanes! Ça me déconnecte complètement.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de partir en tournée avec Patrick Norman?
Ça fait 42 ans qu’on se connaît et qu’on adore chanter ensemble. J’ai été malade pendant dix ans et je lui ai dit: «Je ne voudrais pas finir ma carrière sans qu’on ait fait au moins un show ensemble.» C’est parti de cette idée-là. On a fait un album et une tournée de spectacles. On était super heureux!
Qu’est-ce qui vous touche le plus de chanter avec lui?
On a une grande complicité. Tu ne peux pas chanter avec n’importe qui. Patrick a une voix magnifique.
Vous avez une surdité de naissance?
Oui, j’ai deux appareils auditifs. Je suis malentendante de naissance, c’est héréditaire.
Est-ce que ça vous pose problème sur scène?
Je ne mets pas mes appareils auditifs sur scène, ça deviendrait trop cacophonique. Autrement, je les porte en tout temps. J’ai déjà fait sauter des haut-parleurs de télévision! Mes enfants me disaient souvent: «Maman, la télévision est trop forte. Mets tes appareils, maman!». Maintenant, je suis habituée.
Est-ce que votre entourage est sensibilisé à la perte auditive?
Ma mère avait une perte auditive, mais c’était graduel. Moi, c’est de naissance. J’ai toujours eu des problèmes auditifs. J’allais chez le médecin, faire des traitements. On m’a déjà proposé des implants, mais mon audioprothésiste m’a d’abord suggéré d’essayer les appareils auditifs. Ça fait longtemps! Finalement, ça a bien fait.
En vieillissant, je vois beaucoup de gens avec des appareils auditifs. Quand j’ai eu des appareils auditifs pour la première fois, j’étais assise dans le salon et j’entendais un bruit énorme. C’était mon chat qui mangeait!
Depuis quand êtes-vous appareillée?
J’avais une trentaine d’années. C’est à ce moment que j’ai entendu le chant des oiseaux pour la première fois. Je trouvais ça vraiment fort! Parfois, je marchais et je me disais: «Mon Dieu que je marche fort!». Ce sont toutes des choses que je n’avais jamais entendues avant. Quand tu nais avec des problèmes auditifs, tu dois t’habituer à entendre de nouveaux sons pour la première fois, émis grâce aux appareils auditifs. Aujourd’hui, je peux dire que je me suis habituée!
Merci pour ces confidences, Mme Martel!