
En février, célébrons l'amour!
La famille d'abord
En raison de la surdité de leurs deux enfants, Marie-Josée Taillefer et René Simard ont côtoyé de nombreux professionnels de la santé au cours de leur vie. Ils ontaccepté de se confier en partageant avec nous plusieurs expériences et moments marquants vécus au fil des ans.
Comment avez-vous découvert la surdité de vos enfants ?
René: Pour Olivier, je me souviens avoir commencé à me poser des questions alors qu’il avait environ 5 mois. Je réalisais que je ne parvenais pas à le sécuriser avec le son de ma voix. En pleine nuit, si j’allais le voir pour le consoler, mais que je n’allumais pas la lumière, ma voix seule ne parvenait pas à le calmer. Je suis inquiet de nature et j’avais l’impression que quelque chose n’allait pas, mais je ne voulais pas trop en parler à Marie-Josée, pour ne pas l’inquiéter. Finalement, nous nous sommes rendus à l’hôpital Sainte-Justine pour effectuer des tests et c’est à ce moment que nous avons eu le diagnostic de surdité profonde. Pour Rosalie, un test a été effectué à la naissance.
Marie-Josée: J'ajouterais que quand Olivier a eu 6 mois, on s’est rendus à son rendez-vous de suivi chez le médecin. Le médecin a vérifié ses oreilles et tout semblait beau, il n’y avait rien de particulier à signaler. On avait quand même des doutes, donc on a commencé à faire des tests à la maison. On laissait tomber des objets par terre, on frappait au sol avec nos pieds pour voir s’il entendait. Le problème c’est que parfois il se retournait, parfois non. Soit il captait les échos, soit c’était un pur hasard. La surdité, ça peut être vraiment difficile à détecter. Olivier, c’était une surdité profonde et ça nous a pris plusieurs mois à la découvrir. Imaginez ce que ça peut être pour une perte auditive plus légère.
Quel a été le processus à partir du moment où vous avez découvert la surdité de vos enfants jusqu’à l’implant cochléaire ?
René: Les enfants ont porté des appareils auditifs jusqu’au moment où ils ont eu leur implant cochléaire. On a commencé à se renseigner au sujet de l’implant cochléaire parce qu’à un certain moment, on a réalisé que les appareils auditifs ne répondaient plus aux besoins de nos enfants. Pendant cette période, on a aussi appris la langue des signes, ç’a été notre première façon de communiquer avec les enfants.
Marie-Josée: Quand on s’est lancés dans l’apprentissage de la langue des signes québécoise (LSQ), plusieurs membres de notre famille nous ont accompagnés dans le but d’avoir une base. Ma mère était certaine qu’elle allait pouvoir apprendre tous les signes rapidement, mais ce n’est pas si facile ! On pense que les signes vont avoir un lien avec le mot, sauf que c’est loin d’être toujours le cas. Parfois, les signes n’ont aucune logique. C’est tout un apprentissage.
René: En plus, on a l’impression que c’est un langage universel, mais non ! La langue des signes québécoise est un mélange de plusieurs langues signées.
L’implant cochléaire était une technologie assez récente à l’époque ? Aviez-vous des inquiétudes par rapport à cela ?
René: Effectivement, on avait des inquiétudes parce que c’était relativement nouveau et que personne ne connaissait ça. Nous, en tant que parents, on voulait offrir le maximum à nos enfants, donc c’était une avenue qui nous intéressait beaucoup. Nous avons alors rencontré le Dr Pierre Ferron1 qui nous a énormément rassurés. À l’époque, la RAMQ ne couvrait pas l’implant cochléaire et on trouvait que ça ne faisait pas de sens. C’est pourquoi, avec le Dr Ferron et Francine Carmichael, présidente de la Fondation du Québec pour la recherche sur l'implant cochléaire, nous avons, par la suite, travaillé et monté un dossier pour le ministère de la Santé. Finalement, des fonds ont été débloqués pour éliminer la liste d’attente et pour que l’implant cochléaire soit couvert par la RAMQ. Pour nous, c’est vraiment une belle victoire.
Marie-Josée: À l’époque, la liste d’attente était de deux ans, ce qui est extrêmement long pour un enfant, parce que c’est pendant l’enfance que se développe l’apprentissage du langage. Quand on n’entend pas pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, c’est irrécupérable dans le processus d’apprentissage. Nous sommes fiers de voir qu’après toutes nos démarches, la liste d’attente est retombée à zéro. Maintenant, les enfants n’attendent plus et les bénéfices sur leur développement sont immenses.
Justement, l’apprentissage du langage a dû être tout un défi ?
Marie-Josée: Je dirais que l’apprentissage du langage commence bien avant l’implant cochléaire. Olivier a eu ses appareils auditifs à 11 mois, Rosalie à 2 mois et ½, et on a tout de suite commencé les exercices. On n’a jamais arrêté par la suite. L’implant cochléaire s’est glissé dans le processus. Par contre, à la suite de l’implant, il a fallu reprendre le processus à zéro, puisque leur audition était devenue tellement différente.
René: Après un implant cochléaire, il reste beaucoup de travail à faire. Il faut apprendre aux enfants à entendre les sons et à savoir les distinguer. Ça prend beaucoup de travail, mais au final nous avons pu laisser aller la langue des signes.
Au fil des ans, est-ce que certains moments avec des professionnels de la santé vous ont marqués ?
René: Dr Ferron nous a marqués grâce à ses connaissances et son empathie. C’est vraiment quelqu’un qui nous a guidés à travers tout le processus. Je pense aussi à tous les orthophonistes, les audiologistes, les audioprothésistes et les éducateurs spécialisés que nous avons rencontrés, et il y en a eu beaucoup !
Marie-Josée: J’ajouterais que tous les professeurs ont aussi été extraordinaires avec Olivier et Rosalie. Même chose pour madame Catherine Bossé de l'École orale de Montréal dont la rencontre a été déterminante dans les débuts avec nos enfants. Nous avons été extrêmement chanceux, parce que nous avons fait de belles rencontres et tous ces gens avaient à cœur le développement de nos enfants. Leur dévouement était essentiel parce que la situation demandait beaucoup de collaboration. Pour toutes ces raisons, plusieurs années plus tard, nous nous sommes beaucoup impliqués pour faire connaître la Fondation Sourdine qui soutient l'École oraliste de Québec pour enfants malentendants ou sourds. C'est notre façon de dire aux parents qui sont confrontés à cette situation qu'ils ne sont pas seuls. Aujourd'hui, avec le recul, quels seraient vos conseils pour les parents qui apprennent que leurs enfants devront vivre avec une surdité ?
René: J’ai envie de leur dire que ce n’est pas la fin du monde et que c’est une situation qu’il faut réussir à accepter. Oui, c’est un deuil, mais pour le bien des enfants, c’est important de regarder vers l’avant. Nous, en tant que couple, ça nous a rapprochés, ça nous a fait grandir. On a aussi développé une belle complicité avec nos enfants, probablement plus grande que ce qu’elle aurait pu être. On se parle tous les jours, on est vraiment proches. Au lieu de se faire un ennemi de la surdité, on s’en est fait un ami. Ça nous a aussi fait réaliser notre chance d’avoir tous nos sens.
Marie-Josée: Il faut aussi aller chercher de l’information sur le sujet. Je me souviens m’être déjà rendue à la bibliothèque pour essayer de trouver des lectures sur la surdité. Mais je crois que le meilleur conseil qu’on peut donner, c’est de se faire confiance. De travailler, de prendre la situation en main, de poser des questions, d’être à l’écoute des conseils, mais aussi de se faire confiance parce que c’est nous qui connaissons le mieux nos enfants. Ensuite, on avance et on peut savourer toutes les petites victoires.
Merci Marie-Josée et René d’avoir pris le temps de partager avec nous des parcelles de votre parcours. Vous êtes inspirants et la fierté que vous avez pour vos enfants est belle à voir !